Em. Verhaeren
Les heures claires
1896
O la splendeur de notre joie,
Voici la maison douce et son pignon léger,
Voici le banc, sous les pommiers
Voici — pareils à des baisers tombés sur terre
O la splendeur de notre joie et de nous-mêmes,
Là-bas, de lentes formes passent,
Sont-ce tes seins, sont-ce tes yeux
Certes, aucun abri ne vaut le clair verger,
Quoique nous le voyions fleurir devant nos yeux,
Car nous vivons toutes les fleurs,
Car nous vivons toutes les transparences
Car nous vivons toute la joie
Oh ! dis, c'est bien en nous que se féconde
Ce chapiteau barbare, où des monstres se tordent,
Je sens en toi les mêmes choses très profondes
Nos yeux ont dû pleurer aux mêmes heures,
Le ciel en nuit s'est déplié
Tout est si pur et clair,
Mais j'ai tes mains entre les miennes
Chaque heure, où je pense à ta bonté
Je suis venu si tard
J'avais en moi tant de rouille tenace
J'étais si lourd, j'étais si las,
Je méritais si peu la merveilleuse joie
Tu arbores parfois cette grâce bénigne
Et, d'autres fois, tu m'es le frisson clair
Au bon toucher de tes deux mains,
Chaque moment me semble, grâce à toi,
Oh ! laisse frapper à la porte
Laisse passer, par le chemin,
Laisse monter, laisse bruire
L'instant est si beau de lumière,
Tout nous prêche de n'attendre plus rien
Et de rester les doux qui bénissons le jour.
Comme aux âges naïfs, je t'ai donné mon cœur,
La fleur, je la cueillis au pré des fleurs en flamme ;
La fleur qui est mon cœur et mon aveu,
Laissons l'esprit fleurir sur les collines,
Le printemps jeune et bénévole
La brise et les lèvres des feuilles
Mais le meilleur de nous se gare
Viens lentement t'asseoir
Là-haut, le pur cristal des étoiles s'éclaire.
Les mille voix de l'énorme mystère
Joins donc les mains tranquillement
Combien elle est facilement ravie,
Ce soir, comme un regard la surprenait fervente,
Humble d'elle, mais ardente de nous,
Nous écoutions se taire, en nous, la violence
Au temps où longuement j'avais souffert
Ta clarté d'âme hospitalière
Puis vint la bonne confiance
Depuis, bien que l'été ait succédé au gel,
Je ne détaille pas, ni quels nous sommes
Je ne raisonne pas, et ne veux pas savoir,
Je te sens claire avant de te comprendre telle ;
Soyons simples et bons — et que le jour
A ces reines qui lentement descendent
Mais combien vite on se lasse du jeu,
Je dédie à tes pleurs, à ton sourire,
Je dédie à tes pleurs, à ton sourire